L'électricien était venu, mais on n'avait pas voulu réveiller le chanteur...
"Il se croyait tout-puissant..."
Il avait encore des projets
PARIS Rémy Grimbach, réalisateur des émissions de Michel Drucker, fut le dernier à entendre la voix de Claude François. Ce samedi 11 mars 1978, le chanteur était attendu à 14 heures aux
Buttes-Chaumont pour y enregistrer une émission. Drucker et les siens savaient que Claude François avait la manie d'arriver en retard. Au téléphone, Cloclo voulut rassurer le réalisateur : "Je
prends un bain et j'arrive !"
Claude François ne vint pas. Ce bain avait été celui de la mort, à cause d'une applique lumineuse qui était de travers et que le chanteur voulut redresser alors qu'il avait encore les pieds
dans l'eau.
Trente ans après, on apprend encore des détails sur le scénario de cette invraisemblable tragédie. On sait maintenant que le lundi 6 mars, cinq jours avant le drame, l'électricien était passé à
l'appartement du boulevard Exelmans. Mais Claude François dormait. Pour accéder à la salle de bain, il fallait traverser sa chambre. On n'osa pas réveiller le maître. L'électricien rassura son
monde : "Ne vous tracassez pas ! Je reviens lundi prochain !" Claude François est mort le samedi...
Pourtant, ces problèmes d'électricité le rendaient furieux. Après sa mort, on a retrouvé une de ses fameuses notes de service que son personnel craignait tant : "J'en ai marre que
l'installation électrique de l'appartement ne marche pas ! Fais-moi venir ce putain d'électricien !"
On l'a fait venir, mais le chanteur dormait.
Les 8, 9 et 10 mars, Claude François se trouvait en Suisse. À Leysin, il enregistrait un programme télé en anglais, Snowtimes Special, destiné à la BBC. Claude François voulait s'attaquer
maintenant au marché britannique. En Suisse, il songeait encore à ses problèmes d'électricité défaillante. Ayant laissé son dictaphone dans sa voiture, il nota sur un bout de papier "Pensez
EDF". Il souligna. EDF : Électricité de France...
Cette mort stupide est aussi entourée d'une aura quasi paranormale. La famille François est assez portée sur la superstition et ce type de croyance.
Rétrospectivement, on peut comprendre qu'elle a ses raisons.
Claude François lui-même fréquentait les gitans depuis qu'en 1960, une voyante lui avait prédit une gloire extraordinaire. Mais cette femme n'était pas diseuse que de bonne aventure. Elle avait
aussi annoncé au jeune homme - Claude avait alors 21 ans - que sa vie serait très courte. La vérification de la première prédiction imposa dans son esprit le spectre de la deuxième et la
hantise d'une mort prématurée. Il en fit des cauchemars. En janvier 1978, deux mois avant de mourir, il raconta à sa soeur, Josette, que, dans ses rêves, une silhouette blanche de femme au
regard terrifiant lui apparaissait régulièrement. Josette François en parla à une religieuse qui lui donna une bouteille d'eau bénite. Le chanteur en aspergea sa chambre à coucher. Le fantôme
inquiétant disparut de ses nuits.
Mais, une semaine avant sa mort, Claude François rencontra un ami, le compositeur du Téléphone pleure, Jean-Claude Bourtayre, et il lui raconta qu'il avait fait un autre cauchemar : il s'était
vu mourir. Le musicien s'en sortit par une pirouette amusée : "Quand on rêve de la mort de quelqu'un, on lui prolonge la vie. C'est bien connu."
Dans la nuit du 10 au 11 mars, c'est Chouffa, la maman de Claude François, qui vit son fils occupé à noyer un bébé dans sa baignoire. Puis, dans la chambre à coucher de Claude, plusieurs
personnes pleuraient. Chouffa prétendait faire régulièrement des rêves prémonitoires. Ce 11 mars au matin, elle eut Claude François au téléphone. Elle lui raconta que les magnolias qui venaient
d'être plantés dans la propriété du moulin de Danemois étaient en fleurs. Claude en était ravi. Il promit de passer le soir même, après l'enregistrement de Michel Drucker.
Josette François eut à son tour sa mère en ligne. Elle voulut rassurer Chouffa. "Tu vois, Claude est rentré de Suisse. Tout va bien." Madame François lui répondit : "Il faut attendre
quarante-huit heures pour qu'un mauvais rêve ne se réalise pas"...